Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/47

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non, j’étais fait pour celui-ci, c’est sur lui qu’il faut vivre.

satan.

Et mourir aussi, n’est-ce pas ? il y a longtemps que tu y respires, que tu y souffres, créature humaine ; explique-moi donc le mystère d’un de ces grains de sable que tu foules à tes pieds ou celui d’une goutte d’eau de l’Océan ?

smarh.

Mais regarde toi-même comme la mer est douce et comme les rayons du soleil lui donnent des teintes roses sous ces ondes vertes ! Sens-tu le parfum de la vague qui mouille le sable, comme les flots sont longs et forts, comme ils roulent, comme ils s’étendent ? vois donc cette bande d’écume qui festonne le rivage avec des coquilles et des herbes ; regarde comme cela est loin et large, quelle beauté ! Nieras-tu que mon âme ne s’ouvre pas à un pareil spectacle, quand j’entends cette mer qui roule et meurt à mes pieds, quand je vois cette immensité que j’embrasse de l’œil ?

satan.

Aussi loin que ton œil peut voir, oui ; tu vois l’infini, jusqu’à l’endroit où ton esprit s’arrête, et tu crois l’avoir saisi quand tu as glissé dessus.

smarh.

Mais non, tout cela est trop beau pour n’être pas fait pour l’homme, pour son bonheur, pour sa joie. Vois donc aussi ces hautes falaises blanches sur lesquelles plane la mouette aux cris sauvages, aux ailes noires ; vois plus loin ce pâturage touffu avec ses herbes tassées et ses fleurs ouvertes.

satan.

Et regarde aussi comme tu es petit au pied des