Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/50

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une création quelconque, une fécondité, non, non, te dis-je ; jeté sur le monde, tu as voulu, dans ton orgueil immense, dompter cette nature qui t’environne, tu as voulu être grand auprès de cette grandeur, tu as cru être immortel auprès de la vie, et tu n’as que la faiblesse et le néant.

smarh.

Oh ! tu mens ! je me sens fort.

satan.

Vraiment ! comment donc ?

smarh.

Sur tout ; sur les animaux d’abord.

satan.

Par ta ruse, c’est-à-dire que tu as pris la pierre et tu l’as élevée unie, mais la pierre tombe et roule, et les champs sont maintenant où il y avait des tours, et les pyramides sont moins hautes que les herbes, sous la terre ; tu as resserré les fleuves, mais les fleuves se sont répandus dans tes campagnes ; tu as voulu arrêter la mer dans des quais, et tu t’es cru grand parce que chaque jour elle venait battre à la même place, mais peu à peu elle a mangé lentement la terre, chaque jour elle la dévore.

smarh.

Est-ce que tout, au contraire, dans la création n’est pas ordonné sur une échelle de forces et d’intelligences successives ?

satan.

Oui, et de misères. Continue.

smarh.

Est-ce que je ne suis pas supérieur au cheval, et le cheval à la fourmi, et la fourmi au caillou ?