Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/315

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Son mari est maintenant un véritable maître de pension, un simple marchand de soupe et de latin ; il a vendu son ancienne maison, renoncé à son système d’éducation particulière, et s’est acheté un grand établissement où il reçoit des élèves à des prix plus modérés ; aussi le noble genre de l’institution que nous lui avons connu a-t-il été remplacé, dans la nouvelle, par un autre plus ordinaire et plus commun : ce n’est plus la salle à manger, c’est le réfectoire, avec ses tables peintes en rouge et son carreau lavé tous les samedis ; il n’y a plus de jardin, on joue dans la cour, une cour carrée, sablée, plantée de six tilleuls chétifs sur lesquels les écoliers écrivent leur nom. À quoi servirait un salon ? Madame reste dans sa chambre et M. Renaud lui-même tient l’étude des grands. Émilie n’a plus de belles toilettes, ne va jamais au spectacle, ne reçoit personne. Enfermée toute la journée dans son appartement, à peine si on la voit à l’heure des repas, elle a même persuadé à son mari de prendre une demoiselle de confiance pour surveiller le linge et peigner les petits garçons, ouvrage qui lui répugnait fort. Tous les dimanches elle va à la messe.

La dépense de la maison a considérablement diminué, on ne donne plus de soirées, cela ferait mauvais effet. M. Renaud se livre tout entier à son affaire, il conduit lui-même ses élèves au collège, et ne sort jamais que le soir, après qu’on est couché, sans doute pour faire un tour, pour prendre l’air ; c’est une habitude, jamais il n’y manque.

Ils vivent dans les mêmes termes et en aussi bon accord qu’au commencement de cette histoire.

M. Renaud fera-t-il fortune ? je n’en sais rien ; Mme Renaud a-t-elle eu un autre amant ? c’est ce que j’ignore.

Son amie Aglaé s’est mariée, elle a épousé un médecin d’un village aux environs de Paris, qu’elle a séduit par ses cavatines italiennes et par ses grandes manières