Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/493

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la paresse.

Antoine !

L’ermite prie toujours, ses lèvres remuent avec rapidité, il a les yeux levés au ciel, son visage sourit.
le diable.

Veux-tu remonter dans l’espace ? nous irons plus haut, tu ne tomberas plus… Si tu n’étais pas tombé, tu aurais…

antoine.

Dans ses tourbillons d’amour, la prière, comme un torrent, emporte mon cœur joyeux ; les mots se précipitent sur ma langue, je n’ai pas le temps de les dire, c’est Dieu ! Dieu ! Je voudrais dans un seul cri contenir une hymne plus longue que ma vie ; je voudrais dissoudre mon âme dans les larmes de mes vers toi, ô tout-puissant !

Les Péchés s’en vont l’un après l’autre.
antoine
continue :

Miséricorde ! miséricorde ! Marie, mère des douleurs ! Regarde d’un œil propice les œuvres du pauvre solitaire, non pas ses œuvres, pécheur que je suis ! mais le désir qu’il a de toi, et la multitude de ses faute. J’ai mal agi ! pitié ! Oui, je vais rebâtir la chapelle, je baiserai les pierres, je dirai cent oraisons sur chacune…

la mort
bas au Diable.

Faut-il ?

le diable.

Non ! non ! ah ! s’il était en état de péché, comme je te lâcherais sur lui !

La Mort remonte sur son cheval, les Péchés sont partis ; le cochon se promène tranquillement de côté et d’autre.