visage olivâtre. Le vent de la montagne faisait claquer son manteau noir.
Il nous appelait par nos noms, il nous reprochait la vanité de nos œuvres, la turpitude de nos corps, et il levait le poing du côté des dromadaires, à cause des clochettes d’argent qu’ils portaient sous la mâchoire. Sa fureur me versait l’épouvante dans les entrailles : c’était je ne sais quel voluptueux langage mêlé de brise et de parfums, qui me berçait, m’enivrait.
D’abord les esclaves s’approchèrent : « Maître, dirent-ils, nos bêtes sont fatiguées » ; puis ce furent les femmes : « Voici la nuit, nous avons peur » ; et les esclaves s’en allèrent. Les enfants se mirent à crier : « Nous avons faim » ; et comme on n’avait pas répondu aux femmes, elles disparurent. Lui, il parlait : sa voix sifflait, ses paroles tombaient, précipitées, coupantes, comme des poignards qui faisaient saigner mon cœur et le dégorgeaient.
Je sentis quelqu’un près de moi : c’était l’époux. J’écoutais l’autre. Il sanglotait, il se traînait à genoux sur les pierres en s’écriant : « Tu m’abandonnes ! » et je répondis : « Oui, va-t’en ! ».
Le Père domine ! le Fils pâtit ! l’Esprit flamboie ! Le Paraclet est à nous ! l’Esprit est à nous ! Car nous sommes les amantes du grand Montanus !
Ce n’est point Montanus que vous aimez, mais l’esprit de Dieu emplissant son âme. Car je ne suis pas un homme, vous le savez, vous autres, qui languissez de désirs sur ma poitrine imberbe.
Vous êtes, ô mes chéries, l’inassouvissable Amour, puisque à présent vous vous délectez dans la douleur et que l’existence vous fait mal, comme un ulcère qui suinte. Sanglotez ! pleurez ! Que vos yeux soient blêmes, comme un manteau couleur d’azur qui a déteint sous les orages. Appelez-moi ! Je vous coucherai sur les chevalets ! Fouettez avec des chardons verts la peau blanche de vos corps. Quand le sang coulera, j’arriverai. Oh ! j’accourrai !… pour le sucer avec ma bouche.