Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/569

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la gourmandise.

La nuit, n’est-ce pas ? quand les petites lampes grésillent dans le brouillard, parmi les plats de viande et les coupes qui fument… Les fidèles font des orgies pour le salut des morts, et ils s’en retournent le matin, en chancelant dans les herbes.

antoine
tirant les Vertus par leurs robes.

Répondez donc ! dites quelque chose ! agissez vite !

la foi.

Le dogme…

la logique
l’interrompant.

Rien ne le prouve !

la charité.

La bonté du Seigneur…

l’envie
éclatant de rire.

Ah ! ah ! ah ! ah !

l’espérance.

Les joies du paradis…

la logique.

Lequel donc ? Est-ce le jardin de Moïse ou la Jérusalem lumineuse, ou le ciel immonde d’Épiphane ? Iras-tu dans les planètes de Manès, dans les Champs Élysées des idolâtres, dans l’Empyrée vague des philosophes ?

Apporteras-tu avec toi, dans le firmament mystique, ton corps humain ressuscité ? Mais la chair et le sang n’y entrent pas, disait saint Paul !

Et saint Antoine n’entend plus la voix des Vertus dont les lèvres continuent à frémir d’un mouvement rapide et monotone, comme des feuilles d’arbre agitées. Il tend les oreilles et il reste tout béant.