qui danse tourne toujours, celui qui bat son tambourin frappe plus fort, et l’Archi-Galle continue :
Son temple est bâti sur le gouffre par où les eaux
du déluge qui finissait se sont précipitées. Il a des
portes d’or, un plafond d’or, des lambris d’or, des
statues d’or. Apollon y est, Mercure, Ilythia,
Atlas, Hélène, Hécube, Pâris, Achille et
Alexandre. Des aigles, des lions, des chevaux et des
colombes se promènent dans sa cour. À son grand arbre
qui brûle, on accroche des tuniques et des coffrets,
et c’est pour elle qu’est dressé le phallus de cent
vingt coudées, où l’on grimpe avec des cordes, comme
au tronc d’un palmier quand on va cueillir les dattes.
Ils se donnent avec leurs fouets de grands coups dans le dos, en cadence.
Frappez du tambourin ! sonnez les cymbales !
soufflez dans les flûtes à larges trous !
Elle aime le poivre noir que l’on va chercher dans
les déserts. Elle aime la fleur de l’amandier, la
grenade et les figues vertes, les lèvres rouges, les
regards lascifs, la sève sucrée, la larme salée !…
Du sang ! à toi ! à toi ! Mère des montagnes !
Ils se tailladent les bras avec leurs poignards, leurs dos résonnent comme des boîtes creuses. La musique redouble, la foule s’accroît. Puis des hommes en habits de femmes et des femmes en habits d’hommes se poursuivent, en poussant une grande clameur qui se perd à l’horizon, dans le frémissement des lyres et le bruit des baisers. Leurs robes diaphanes se collent contre leurs ventres. Un sang rose en dégoutte et bientôt, sur cette vague multitude, toute chatoyante, agitée, lointaine, apparaît un dieu nouveau qui porte entre ses cuisses un amandier chargé de fruits. Les voiles des têtes s’envolent, l’encens tourbillonne, l’acier tinte. Des prêtres eunuques enveloppent des femmes dans leurs dalmatiques chamarrées.
Mais d’autres dieux arrivent, innombrables, infinis. Ils passent comme des traînées de feuilles sèches sous un vent d’automne, si rapidement qu’on ne peut les voir, et tous pleurent si haut que l’on n’entend pas ce qu’ils disent. La Mort refait un nœud à la mèche de son fouet. Antoine étourdi veut fuir, mais le Diable le retient et reprend :
le diable.
Celui-là, c’est Atys de Phrygie. Il jette sa hache
de pierre, il s’en va pleurer dans les bois sa
virilité perdue. Voici la Dercéto de Babylone, à
croupe de poisson. Voilà le vieil Oannès, voilà
Ilythia couverte de ses voiles, voilà Moloch
crachant du feu par les narines, et dont le ventre,
bourré d’hommes, hurle comme une forêt incendiée.