Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/82

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aride et mamelonneuse, comme on en voit autour des carrières abandonnées.
Çà et là, un bouquet d’arbustes se lève parmi des dalles à ras du sol ; et des formes blanches, plus indécises que des nuages, sont penchées sur elles.
Il en arrive d’autres, légèrement. Des yeux brillent dans la fente des longs voiles. À la nonchalance de leurs pas et aux parfums qui s’exhalent, Antoine reconnaît des patriciennes. Il y a aussi des hommes, mais de condition inférieure, car ils ont des visages à la fois naïfs et grossiers.
une d’elles
en respirant largement :

Ah ! comme c’est bon l’air de la nuit froide, au milieu des sépulcres ! Je suis si fatiguée de la mollesse des lits, du fracas des jours, de la pesanteur du soleil !

Sa servante retire d’un sac en toile une torche qu’elle enflamme. Les fidèles y allument d’autres torches, et vont les planter sur les tombeaux.
une femme
haletante :

Ah ! enfin, me voilà ! Mais quel ennui que d’avoir épousé un idolâtre !

une autre.

Les visites dans les prisons, les entretiens avec nos frères, tout est suspect à nos maris ! — et même il faut nous cacher quand nous faisons le signe de la croix ; ils prendraient cela pour une conjuration magique.

une autre.

Avec le mien, c’étaient tous les jours des que-