Page:Guy de Maupassant - Clair de lune.djvu/113

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« Je l’interrompis avec colère :

« — Ah ! çà, voyons, vous fichez-vous de moi ? Vous n’y pouvez pas entrer, puisque voici la clef.

« Il ne savait plus que dire.

« — Alors, monsieur, je vais vous montrer la route.

« — Montrez-moi l’escalier et laissez-moi seul. Je la trouverai bien sans vous.

« — Mais…, monsieur…, cependant…

« Cette fois, je m’emportai tout à fait.

« — Maintenant, taisez-vous, n’est-ce pas ? ou vous aurez affaire à moi.

« Je l’écartai violemment et je pénétrai dans la maison.

« Je traversai d’abord la cuisine, puis deux petites pièces que cet homme habitait avec sa femme. Je franchis ensuite un grand vestibule, je montai l’escalier et je reconnus la porte indiquée par mon ami.

« Je l’ouvris sans peine et j’entrai.

« L’appartement était tellement sombre que je n’y distinguai rien d’abord. Je m’arrêtai, saisi par cette odeur moisie et fade des pièces inhabitées et condamnées, des chambres mortes. Puis, peu à peu, mes yeux s’habituèrent à l’obscurité, et je vis assez nettement une grande pièce en désordre, avec un lit sans draps, mais gardant ses matelas et ses oreillers, dont l’un portait l’empreinte profonde d’un coude ou d’une tête comme si on venait de se poser dessus.

« Les sièges semblaient en déroute. Je remarquai qu’une porte, celle d’une armoire sans doute, était demeurée entr’ouverte.

« J’allai d’abord à la fenêtre pour donner du jour et je l’ouvris ; mais les ferrures du contrevent étaient tellement rouillées que je ne pus les faire céder.

« J’essayai même de les casser avec mon sabre, sans y parvenir. Comme je m’irritais de ces efforts inutiles, et comme mes yeux s’étaient enfin parfaitement accoutumés à l’ombre, je renonçai à l’espoir d’y voir plus clair et j’allai au secrétaire.

« Je m’assis dans un fauteuil, j’abattis la tablette, j’ouvris le tiroir indiqué. Il était plein jusqu’aux bords. Il ne me fal-