Page:Guy de Maupassant - Clair de lune.djvu/43

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les plus proches demeuraient. À minuit, on coucha la mariée toute secouée de sanglots. Sa mère et deux tantes, assises autour du lit, l’écoutaient pleurer, muettes et désolées… Le père était parti chez le commissaire de police pour chercher des renseignements.

À cinq heures, un bruit léger glissa dans le corridor ; une porte s’ouvrit et se ferma doucement ; puis soudain un petit cri pareil à un miaulement de chat courut dans la maison silencieuse.

Toutes les femmes furent debout d’un bond, et Berthe, la première, s’élança malgré sa mère et ses tantes, enveloppée de son peignoir de nuit.

Jacques, debout au milieu de sa chambre, livide, haletant, tenait un enfant dans ses bras.

Les quatre femmes le regardèrent, effarées ; mais Berthe, devenue soudain téméraire, le cœur crispé d’angoisse, courut à lui : « Qu’y a-t-il ? dites, qu’y a-t-il ? »

Il avait l’air fou ; il répondit d’une voix saccadée : « Il y a… il y a… que j’ai un enfant, et que la mère vient de mourir… » Et il présentait dans ses mains inhabiles le marmot hurlant.

Berthe, sans dire un mot, saisit l’enfant, l’embrassa, l’étreignant contre elle ; puis, relevant sur son mari ses yeux pleins de larmes : « La mère est morte, dites-vous ? » Il répondit : « Oui, tout de suite… dans mes bras… J’avais rompu depuis l’été… Je ne savais rien, moi… c’est le médecin qui m’a fait venir… »

Alors Berthe murmura : « Eh bien, nous l’élèverons, ce petit. »