Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/102

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français et d’italien, son plaisir à les recevoir, quand une voix claire l’interrompit ; et une petite femme brune, avec de grands yeux noirs, une peau chaude de soleil, une taille étroite, des dents toujours dehors dans un rire continu, s’élança, embrassa Jeanne, secoua la main de Julien en répétant : « Bonjour, Madame, bonjour, Monsieur, ça va bien ? »

Elle enleva les chapeaux, les châles, rangea tout avec un seul bras, car elle portait l’autre en écharpe, puis elle fit sortir tout le monde, en disant à son mari : « Va les promener jusqu’au dîner. »

M. Palabretti obéit aussitôt, se plaça entre les deux jeunes gens et leur fit voir le village. Il traînait ses pas et ses paroles, toussant fréquemment, et répétant à chaque quinte : « C’est l’air du Val qui est fraîche, qui m’est tombée sur la poitrine. »

Il les guida, par un sentier perdu, sous des châtaigniers démesurés. Soudain, il s’arrêta, et, de son accent monotone : « C’est ici que mon cousin, Jean Rinaldi, fut tué par Mathieu Lori. Tenez, j’étais tout près de Jean, quand Mathieu parut à dix pas de nous. « Jean, cria-t-il, ne va pas à Albertacce ; n’y va pas Jean, ou je te tue, je te le dis. »

Je pris le bras de Jean : « N’y va pas, Jean, il le ferait. »

C’était pour une fille qu’ils suivaient tous deux, Paulina Sinacoupi.

Mais Jean se mit à crier : « J’irai, Mathieu ; ce n’est pas toi qui m’empêcheras. »

Alors Mathieu abaissa son fusil, avant que j’aie pu ajuster le mien, et il tira.

Jean fit un grand saut des deux pieds comme un