Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, ma mignonne, tu as eu une grosse fièvre très dangereuse.

— Ce n’est pas ça, maman. J’ai eu la fièvre après ; mais t’a-t-il dit qui me l’a donnée, cette fièvre, et pourquoi je me suis sauvée ?

— Non, ma chérie.

— C’est parce que j’ai trouvé Rosalie dans son lit.

La baronne crut qu’elle délirait encore, la caressa. « Dors, ma mignonne, calme-toi, essaie de dormir. »

Mais Jeanne, obstinée, reprit : « J’ai toute ma raison maintenant, petite maman, je ne dis pas de folies comme j’ai dû en dire les jours derniers. Je me sentais malade une nuit, alors j’ai été chercher Julien. Rosalie était couchée avec lui. J’ai perdu la tête de chagrin et je me suis sauvée dans la neige pour me jeter à la falaise. »

Mais la baronne répétait : « Oui, ma mignonne, tu as été bien malade. »

— Ce n’est pas ça, maman, j’ai trouvé Rosalie dans le lit de Julien, et je ne veux plus rester avec lui. Tu m’emmèneras à Rouen, comme autrefois.

La baronne, à qui le médecin avait recommandé de ne contrarier Jeanne en rien, répondit : « Oui, ma mignonne. »

Mais la malade s’impatienta : « Je vois bien que tu ne me crois pas. Va chercher petit père, lui, il finira bien par me comprendre. »

Et petite mère se leva difficilement, prit ses deux cannes, sortit en traînant ses pieds, puis revint après quelques minutes avec le baron qui la soutenait.