Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/271

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Elle pleurait toujours, implorant son fils. « Dis, Poulet, tu ne me reprocheras jamais de t’avoir trop aimé, n’est-ce pas ? »

Et le grand enfant, surpris, promettait : « Non, maman. »

— Tu me le jures ?

— Oui, maman.

— Tu veux rester ici, n’est-ce pas ?

— Oui, maman.

Alors le baron parla ferme et haut : « Jeanne, tu n’as pas le droit de disposer de cette vie. Ce que tu fais là est lâche et presque criminel ; tu sacrifies ton enfant à ton bonheur particulier. »

Elle cacha sa figure dans ses mains, poussant des sanglots précipités, et elle balbutiait dans ses larmes : « J’ai été si malheureuse… si malheureuse ! Maintenant que je suis tranquille avec lui, on me l’enlève… Qu’est-ce que je deviendrai… toute seule… à présent ?… »

Son père se leva, vint s’asseoir auprès d’elle, la prit dans ses bras. « Et moi, Jeanne ? » Elle le saisit brusquement par le cou, l’embrassa avec violence, puis, toute suffoquée encore, elle articula au milieu d’étranglements : « Oui. Tu as raison… peut-être… petit père. J’étais folle, mais j’ai tant souffert. Je veux bien qu’il aille au collège. »

Et, sans trop comprendre ce qu’on allait faire de lui, Poulet, à son tour, se mit à larmoyer.

Alors ses trois mères, l’embrassant, le câlinant, l’encouragèrent. Et lorsqu’on monta se coucher, tous avaient le cœur serré et tous pleurèrent dans leurs lits, même le baron qui s’était contenu.