Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/332

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Et parfois encore elle oubliait un moment qu’elle était vieille, qu’il n’y avait plus rien devant elle, hors quelques ans lugubres et solitaires, que toute sa route était parcourue ; et elle bâtissait, comme jadis, à seize ans, des projets doux à son cœur ; elle combinait des bouts d’avenir charmants. Puis la dure sensation du réel tombait sur elle ; elle se relevait courbaturée comme sous la chute d’un poids qui lui aurait cassé les reins ; et elle reprenait plus lentement le chemin de sa demeure en murmurant : « Oh vieille folle ! vieille folle ! »

Rosalie maintenant lui répétait à tout moment : « Mais restez donc tranquille, Madame, qu’est-ce que vous avez à vous émouver comme ça ? »

Et Jeanne répondait tristement : « Que veux-tu, je suis comme « Massacre » aux derniers jours. »

La bonne, un matin, entra plus tôt dans sa chambre, et déposant sur sa table de nuit le bol de café au lait : « Allons, buvez vite, Denis est de-