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L’HÉRÉDITÉ ET L’ÉDUCATION.

éphémères. Mais, à mesure qu’on monte vers les degrés moyens, cette influence augmente. Elle atteint son maximum dans ces natures moyennes qui, n’étant ni bonnes ni mauvaises, sont un peu ce que le hasard les fait. Puis, si l’on s’élève vers les formes supérieures de l’intelligence, on voit de nouveau l’influence de l’éducation décroître, et à mesure qu’elle s’approche du plus haut génie, « tendre vers son minimum ». Nous admettons volontiers, dans ses deux premières applications, cette loi ingénieuse des variations d’influence, sans en conclure que l’éducation « n’ait d’action efficace que sur les natures moyennes ». En effet, nous voyons bien pourquoi un idiot est peu éducable, mais nous ne voyons pas pourquoi les grandes qualités naturelles du génie ne le rendraient pas accessible à l’éducation. Plus on est naturellement intelligent, plus on est capable d’apprendre et de devenir savant par éducation. Plus on est naturellement généreux, plus on est capable de devenir héroïque par éducation, etc. Nous pensons donc que le génie réalise à la fois le maximum d’hérédité féconde et d’éducabilité féconde.

Il n’est pas rare, comme on l’a remarqué encore, de trouver des enfants sceptiques dans les familles religieuses, ou des enfants religieux dans des familles sceptiques ; débauchés au milieu de bons exemples ; ambitieux, quoique nés dans une famille modeste et paisible ; mais, parce que des parents sont religieux, il n’en résulte pas qu’ils soient de bons éducateurs religieux ; un sceptique peut produire la croyance par réaction chez ses enfants, et invicem. On ne comprend guère un scepticisme héréditaire ni même une piété héréditaire.

Au reste, conclut M. Ribot, régner sur les natures moyennes est encore une belle part ; car, « si ce sont les natures supérieures qui agissent, ce sont celles-là qui réagissent ; et l’histoire nous apprend que la marche de l’humanité résulte autant des réactions qui enrayent le mouvement que des actions qui le précipitent ». Nous pouvons accepter cette conclusion, mais en y ajoutant que l’éducation doit et peut régner sur les natures supérieures tout comme sur les natures moyennes. La vitesse déjà acquise n’est qu’une condition de plus pour en acquérir encore.

C’est surtout dans l’ordre moral (dont M. Ribot ne parle guère) que l’éducation règne. Il est difficile de prétendre qu’on naisse vertueux par hérédité. On peut avoir