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L’ÉDUCATION MORALE.

fait vivre en domesticité restreinte des animaux d’un même sexe et surtout du sexe masculin, on remarque d’abord une grande excitation des instincts de reproduction et ensuite une perversion redoutable de ces mêmes instincts. Mettez-vous, au contraire, soit en troupeaux, soit en liberté complète, ces animaux destinés à vivre en société, vous voyez tout de suite dominer les caractères normaux de l’animal… Ce qui se passe dans un troupeau se passe également dans une réunion d’enfants mâles, quelle qu’elle soit, élevée par qui que ce soit, défendue par les règles de la surveillance la plus étroite, fût-elle de jour et de nuit. L’inconvénient le plus grave de ces vices pour la société, c’est le développement exagéré, entre vingt ou trente ans, des facultés génésiques d’où naissent la débauche et la lubricité. » Les conséquences pour l’hérédité et la race sont manifestes.

L’État fait beaucoup pour l’instruction, peu de chose pour l’éducation. Livrez l’éducation à l’État, il aboutira à ces grands internats, héritage des jésuites du dix-septième et du dix-huitième siècle, où l’enfant séparé de la famille ne peut acquérir ni distinction, ni délicatesse. L’éducation, dit M. Renan, c’est le respect de ce qui est réellement bon, grand et beau ; c’est la politesse, « charmante vertu qui supplée à tant d’autres vertus », c’est le tact, qui est presque de la vertu aussi. Ce n’est pas un professeur qui peut apprendre tout cela ; « cette pureté, cette délicatesse de conscience, base de toute moralité solide, cette fleur de sentiment qui sera un jour le charme de l’homme, cette finesse d’esprit consistant toute en insaisissables nuances, où l’enfant et le jeune homme peuvent-ils l’apprendre ? Dans des livres, dans des leçons attentivement écoutées, dans des textes appris par cœur ? Oh ! nullement ; ces choses-là s’apprennent dans l’atmosphère où l’on vit, dans le milieu social où l’on est placé ; elles s’apprennent par la vie de famille, non autrement ». L’instruction se donne en classe, au lycée, à l’école ; l’éducation se reçoit dans la maison paternelle ; les maîtres, à cet égard, c’est la mère, ce sont les sœurs… « La femme, profondément sérieuse et morale, peut seule guérir les plaies de notre temps ; refaire l’éducation de l’homme, ramener le goût du bien et du beau ». Il faut pour cela reprendre l’enfant, ne pas le confier à des mains mercenaires, ne se séparer de lui que pendant les heures consacrées à l’enseignement des classes.