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L’ÉDUCATION MORALE.

pour qu’on pût leur confier les enfants sans hésitation. MM. Bréal et Raunié croient qu’elles ne feraient pas défaut. Les parents des externes s’offriraient souvent pour recevoir chez eux quelques-uns des compagnons d’études de leurs fils. On constituerait ainsi de petits groupes d’écoliers pour lesquels la famille d’adoption devrait avoir des soins et de la surveillance.

L’externat laisse à la famille sa part d’action légitime et nécessaire. À Paris et dans nos grandes villes, c’est l’externat qu’il faudrait développer avant tout.

Nous avons en France le travers de l’uniformité. Pourquoi tous nos lycées et collèges seraient-ils organisés sur le même type ? Pourquoi n’essayerait-on pas l’introduction partielle en France des cités scolaires anglaises, du tutorat et enfin du système familial ? Mais en même temps, il faut réformer l’internat. Pour cela, adoucir la discipline ; permettre la parole aux enfants là où ils peuvent parler sans inconvénient ; améliorer la surveillance, en la confiant à des hommes plus autorisés[1] ; organiser même la discipline mutuelle, par le moyen d’élèves moniteurs, de camarades gradés.

L’autorité fondée sur la capacité étant la seule qui ne soit pas factice, les mai très d’étude ne peuvent être considérés qu’à condition d’être vraiment répétiteurs, c’est-à-dire de corriger les devoirs et de faire réciter les leçons. Mais comment s’y prendre dans un quartier de vingt-cinq à trente élèves ? M. Jules Simon propose de rétablir le système, abandonné en France, de confier une partie de la surveillance à des écoliers. On entend d’ici les réclamations : c’est un espionnage ! « Pas du tout, répond M. Jules Simon, il n’y a pas d’espionnage à ciel ouvert[1] ». On peut donner les galons de sergent-major à quelques élèves, et étendre jusqu’au temps de l’étude l’autorité qui leur est confiée pendant les exercices. Il n’y a là ni espionnage, ni atteinte à la camaraderie. Dès que les fonctions de surveillants appartiendraient pour une faible part aux premiers élèves, elles changeraient de caractère aux yeux de tous, et les répétiteurs pourraient surveiller aussi, sans déroger, « J’ai vu, ajoute M. Jules Simon, pratiquer ce système, dans mon enfance, sur une très vaste échelle. Nous n’avions qu’un seul maître d’étude pour soixante élèves ou même davantage ; mais il y avait

  1. a et b Voir Réforme de l’Enseignement secondaire, pages 243 et 239.