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L’ÉDUCATION MORALE.

daire, il n’existe sans doute que pour un tiers des élèves, ceux qui veulent arriver aux premiers rangs dans la classe, ou ceux qui préparent un examen, ou ceux qui veulent entrer dans une école du gouvernement[1]. Mais il n’en reste pas moins, même pour les professeurs, un certain surmenage qui consiste dans la fréquentation de classes trop longues, et dans des séances d’études trop longues dans des atmosphères confinées. On a beau ne rien faire, on se fatigue et on s’use quand même par le seul effet de la sédentarité. Au reste, il est fort heureux qu’il y ait des

    tera les travaux écrits prolongés. Il ne doit être donné à apprendre que des choses bien comprises. Les devoirs à domicile doivent être très limités. Ils seront proportionnés à l’âge de l’enfant ; ils devront pouvoir être faits avec goût et plaisir, et satisfaire aux exigences de la qualité plutôt qu’à celle de la quantité. Le pensum doit, en général, être prohibé et doit, dans tous les cas, faire appel à l’intelligence de l’enfant ».

    L’Académie de médecine avait nommé une commission chargée de chercher un remède au surmenage intellectuel. Cette commission a rédigé un rapport : en voici, les dispositions principales concernant l’enseignement primaire. La durée quotidienne du travail intellectuel, proportionnée à l’âge des enfants, sera de trois à huit heures. La durée des classes sera au plus de vingt à trente minutes pour les enfants ; les programmes devront être réduits proportionnellement à la durée des classes et des études ; les examens sont actuellement trop généraux, trop encyclopédiques, il faut leur substituer des examens partiels et fréquents, limitant l’effort et permettant à l’intelligence de s’assimiler les connaissances qu’on lui offre. Il est nécessaire d’accorder, selon l’âge, de six à dix heures par jour aux exercices physiques (jeux, promenades, manœuvres militaires, etc.)

  1. Si à l’École centrale des arts et manufactures, les élèves ne travaillent que sept heures, ils ont à travailler chez eux quatre ou cinq heures, voire davantage. Àl’École polytechnique, les cours et les études durent onze heures et demie, et pendant les récréations les élèves laborieux travaillent à le bibliothèque. Dans les lycées de jeunes filles, dans les classes d’institutrices, le travail est également excessif.

    Lorsque, malgré une instruction réelle, on voit des 25 à 30,000 jeunes gens et jeunes filles, sans fortune, ne pouvoir trouver d’emplois, on regrette qu’avec cette instruction on ne leur ait pas appris un métier, une profession manuelle qui, tout en prévenant le surmenage et la sédentarité scolaires, aurait pu éventuellement les mettre à l’abri du besoin. « Puisque, dit M. Lagneau, l’instruction militaire est, ainsi que l’instruction scolaire, pour tous obligatoire, il appartient aux ministres de la guerre et de l’instruction publique de s’entendre pour que la gymnastique, l’escrime, la natation, l’équitation, les marches, le maniement des armes, les manœuvres militaires, venant prendre place entre les travaux intellectuels des classes et des études, préviennent le surmenage et la sédentarité scolaires, concourent, ainsi que les sciences et les lettres, à l’obtention des diplômes et certificats d’études, et permettent de restreindre la durée du service à l’armée. Mais il faut aussi qu’une loi analogue à celle du 19 mai 1874, s’opposant au travail manuel excessif des enfants dans les manufactures, vienne également s’opposer au travail intellectuel excessif de nos enfants, de nos jeunes gens dans les établissements d’enseignement ».