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L’ÉDUCATION MORALE.

l’influence morale du maître est suffisante, il faut s’en contenter ; mais aussi, toutes les fois que l’enfant abuse de sa liberté ou de sa force, il faut lui faire comprendre, par quelque sanction motivée et rationnelle, que toute société humaine est soumise à des lois et non abandonnée à l’anarchbie que rêvent les Slaves.


IV. — À l’enseignement moral doit se rattacher l’enseignement civique.

Stuart Mill disait que, pour avoir droit de vote, il faudrait tout au moins être capable, au moment du scrutin, « de copier quelques lignes d’anglais et de faire une règle de trois ». Spencer dit avec plus de raison que la table de multiplication ne vous aidera pas à comprendre la fausseté des thèses socialistes. Qu’importe que le travailleur sacbe lire s’il ne lit que ce qui le confirme dans ses illusions ? Un bomme qui se noie s’accroche à une paille ; un homme accablé de soucis s’accroche à n’importe quelle théorie sociale, pourvu qu’elle lui promette le bonheur. — Ce qui serait nécessaire, c’est une meilleure instruction civique. Quels sont, parmi les travailleurs de toute sorte, les plus instruits ? Les ouvriers ; et c’est d’eux précisément, avec leurs idées fausses, que nous vient le plus grand péril. « Le paysan ignorant, a-t-on dit avec raison, est moins absurde que l’ouvrier éclairé. Un peu d’instruction éloigne parfois du bon sens ; beaucoup d’instruction y ramène. Si on ne perfectionne pas Finstruction primaire, la diffusion de cette instruction amènera tous les travailleurs, y compris les paysans, au niveau des ouvriers, et leur donnera plus de force pour faire de mauvaise politique ou de mauvaise économie sociale[1] ». Spencer et Bluntschli se rencontrent dans cette assertion qu’il n’y a point, dans nos démocraties, de liberté possible, ni de vote possible, ni de sécurité possible pour la propriété « sans une bonne éducation politique ». L’école, et surtout l’école populaire, ne peut que préparer de loin cette éducation. « L’enfant saisit difficilement la notion de l’État. On ne peut lui donner sur la constitution politique et sociale que des notions très vagues, qui offrent un assez faible intérêt à d’aussi jeunes intelligences. C’est donc surtout la morale publique, la vertu civique, le patriotisme qu’il faut lui inspirer, et plus encore par des exemples que par des

  1. A. Fouillée, La propriété sociale et la démocratie, p. 202.