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L’ÉDUCATION MORALE.

d’admission, etc. Sur des milliers de candidats à l’École polytechnique, par exemple, 300 seulement sont admis ; or, si un bon polytechnicien n’est pas nécessairement un homme accompli, que sera-ce d’un polytechnicien manqué ?


V. — On connaît les inconvénients des concours et surtout des examens à longs programmes, qui sont des dépenses difficilement réparatrices et, de plus, ne mettent guère en activité dans le cerveau qu’un organe spécial, la mémoire ; les examens ne fortifient même pas cet organe, ils l’usent. Ce qu’il y a de bon dans les concours, c’est l’émulation qu’ils développent ; mais cette émulation ne se tend et ne se dépense que pour un résultat souvent fictif, une supériorité d’un jour sur un point particulier. Très souvent l’émulation s’arrête là, croit le classement définitif ; le concours est un jugement qui arrête les vainqueurs en leur donnant une conscience outrée de leur valeur, les vaincus en les décourageant. C’est de l’émulation discontinue, désorganisée, au lieu d’être, comme il le faudrait, une organisation de l’émulation. Il n’est pas mauvais, pourrait-on dire, qu’il y ait de temps en temps des premiers, mais il est mauvais qu’il y ait des derniers. Le baccalauréat ne devrait être, suivant une heureuse définition, que le dernier des examens de passage, l’examen de passage du collège à la faculté. L’usage en a fait autre chose : trop souvent on réussit à s’y préparer par des moyens artificiels et hâtifs. Il en résulte dans les classes des troubles de toute sorte : nombre d’élèves se figurent volontiers qu’il sera possible de réparer en rhétorique et en philosophie le temps perdu ou mal employé depuis la sixième ; nombre de maîtres sont conduits à prendre les besoins de l’examen pour régulateurs de leur enseignement, dont ils diminuent ainsi la liberté, l’élévation, la portée générale et généreuse. Certains esprits passionnés ne voient de salut que dans la suppression même du baccalauréat. Ils veulent le remplacer par des examens spéciaux placés à l’entrée des grandes écoles, des facultés et des administrations. Cette solution ne ferait qu’accélérer la ruine des études classiques. Les écoliers ne s’intéresseraient plus qu’aux connaissances particulières qui sont exigées à l’entrée des diverses carrières. L’unité des études secondaires