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PRÉFACE.

comme, chez les mammifères supérieurs, il faut que la femelle porte le petit dans ses bras et l’allaite. Une sorte de pédagogie primitive est ainsi en germe même chez les animaux ; l’éducation est une prolongation de l’allaitement et sa nécessité dérive des lois mêmes de l’évolution.

Ici, pourtant, se présente une objection grave, à laquelle les idées mêmes de Spencer ont donné lieu. Faut-il soutenir, comme on l’a fait, que l’éducation est inutile ou presque impuissante, parce que l’évolution humaine est nécessaire et que cette évolution est toujours régie par l’hérédité ? Au siècle dernier on avait exagéré l’importance de l’éducation au point de se demander naïvement, avec Helvétius, si toute la différence entre les divers hommes ne provient pas de la seule différence dans l’instruction reçue et dans le milieu ; si le talent, comme la vertu, ne peut pas s’enseigner. De nos jours, après les recherches faites sur l’hérédité, on s’est jeté dans des affirmations bien contraires. Beaucoup de savants et de philosophes sont maintenant persuadés que l’éducation est radicalement impuissante quand il s’agit de modifier profondément, chez l’individu, le tempérament et le caractère de la race : d’après eux, on naît criminel comme on naît poète ; toute la destinée morale de l’enfant est contenue dans le sein maternel, puis se déroule implacablement dans la vie. Pas de remède possible, notamment, pour ce mal commun à tous les déséquilibrés, fous, criminels, poètes, visionnaires, femmes hystériques, que l’on a nommé neurasthénie ; les races descendent l’échelle