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BUT DE L’ÉVOLUTION ET DE L’ÉDUCATION.

traits qui caractérisent l’homme par rapport à l’animal et l’homme civilisé par rapport au sauvage, c’est que son intelligence reste plus longtemps capable d’acquisitions nouvelles, ne s’arrête pas dans sa croissance, ne se referme pas sur le savoir acquis comme certaines fleurs sur les insectes qu’elles étouffent. De même, un des traits essentiels qui caractérisent l’homme de génie, suivant Galton et James Sully, c’est aussi que son intelligence, plus parfaite que celle du commun, a une évolution plus longue. Le génie produit plus tôt et plus tard ; le cerveau du grand homme se fatigue moins vite que ses membres ; sa fécondité ne se suspend pas, elle subsiste jusqu’auprès du tombeau : il sent moins que d’autres venir la mort, comme s’il était moins fait pour elle. L’évolution de la conscience humaine tend donc, chez les types supérieurs de l’humanité, à emplir toute l’existence. C’est ainsi que la nature tend à diminuer toujours davantage cette longue nuit de l’enfance inconsciente et de la vieillesse imbécile qui existe aux degrés inférieurs de l’humanité. Aussi, en voyant reculer pour la conscience humaine les limites de sa fécondité et de son éducation continues, ne serait-il pas antiscientifique d’espérer qu’un jour peut-être, après bien des siècles, pourront reculer aussi les limites de son existence : notre cerveau deviendra plus vivace que le reste de notre corps. Non seulement par ses idées les plus universelles et les plus impersonnelles, mais par la courbe même de son évolution, par la puissance et la durée toujours grandissantes de sa fécondité intérieure, la conscience humaine portera toujours davantage en elle, pour ainsi dire, plus d’immortalité.


FIN.