abondance de vie qui demande à s’exercer, à se donner ;
on l’a trop interprété, jusqu’ici, comme le sentiment d’une
nécessité ou d’une contrainte ; c’est avant tout celui d’une
puissance. Toute force qui s’accumule crée une pression
sur les obstacles placés devant elle ; tout pouvoir, considéré
isolément, produit une sorte d’obligation qui lui est
proportionnée : pouvoir agir, c’est devoir agir. Chez les êtres
inférieurs, où la vie intellectuelle est entravée et étouffée,
il y a peu de devoirs ; mais c’est qu’il y a peu de pouvoirs.
L’homme civilisé a des devoirs innombrables : c’est qu’il a
une activité très riche à dépenser de mille manières. À ce
point de vue, qui n’a rien de mystique, l’obligation morale
se ramène à cette grande loi de la nature : la vie ne peut se
maintenir quà condition de se répandre ; il est impossible
d’atteindre sûrement un but quand on n’a pas le pouvoir de
le dépasser, et, si on soutient que le moi est à lui-même
son propre but, c’est encore une raison pour qu’il ne puisse
se suffire à lui-même. La plante ne peut pas s’empêcher de
fleurir ; quelquefois, fleurir, pour elle, c’est mourir ;
n’importe, la sève monte toujours. La nature ne regarde pas
en arrière pour voir ce qu’elle abandonne ; elle va son
chemin, toujours en avant, toujours plus haut.
2° Existence d’un certain devoir impersonnel créé par la conception même de l’action. Deuxième équivalent du devoir. — De même que la puissance de l’activité crée une sorte d’obligation naturelle ou d’impulsion impérative, de même l’intelligence a par elle-même un pouvoir moteur. Quand on s’élève assez haut, on peut trouver des motifs d’action qui n’agissent plus seulement comme mobiles, mais qui, en eux-mêmes et par eux-mêmes, sans intervention