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CHAPITRE II
LA FOI SYMBOLIQUE ET MORALE




I. — Substitution du symbolisme métaphysique au dogme. — Le protestantisme libéral, — Comparaison avec le brahmaïsme. — Substitution du symbolisme moral au symbolisme métaphysique. — La foi morale. — Kant. — Mill. — Matthew Arnold. Explication littéraire de la Bible substituée à l’explication littérale.
II — Ciitique de la foi symbolique. — Inconséquence du protestantisme libéral. — Jésus est-il un type plus divin que les autres grands génies. — La Bible a-t-elle plus d’autorité morale que les autres chefs-d’œuvre de la poésie. — Critique du système de Matthew Arnold. — Absorption finale des religions dans la morale.


Toute position illogique étant instable pour les esprits vraiment fermes, l’inconséquence même d’une religion la force à une évolution perpétuelle, qui la rapproche sans cesse de l’irréligion finale, mais par des degrés presque insensibles. Aussi le protestant ne connaît-il point les déchirements du catholique, forcé de tout prendre ou de tout rejeter : il ignore les grandes révolutions et les coups d’état intérieurs, il a l’art instinctif des transitions, son credo est élastique. Il peut passer par tant de confessions diverses, qu’il a tout le temps d’habituer son esprit à la vérité avant de la confesser pour son compte. Le protestantisme est la seule religion, au moins en occident, où l’on puisse devenir athée sans s’en apercevoir et sans se faire à soi-même l’ombre d’une violence : le théisme subjectif de M. Moncure Conway, par exemple, ou de tel unitaire ultra-libéral, est tellement voisin de l’athéisme idéaliste qu’on ne peut véritablement pas l’en distinguer, et cependant les unitaires, qui en fait sont souvent des libres-penseurs, croient, pour ainsi dire, croire encore. C’est que les croyances aimées gardent longtemps leur charme, même quand nous sommes persuadés que ce sont des erreurs et que nous les