Page:Guyau - L’Irréligion de l’avenir.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ix
introduction.

dresse ; ceux qui n’eut pas de main adorée dont ils puissent le recevoir, le demandent à leur dieu, à leur idéal, à leur rêve ; ils se font une famille pour leur pensée, ils inventent un cœur dans l’infini.

Le besoin social de protection et d’amour n’a évidemment pas été aussi élevé chez les peuples primitifs. La fonction de tutelle attribuée aux divinités fut d’abord bornée aux accidents plus ou moins vulgaires de la vie. Plus tard elle eut pour objet la libération morale et s’étendit au delà même du tombeau. Le besoin de protection et d’affection finit alors par toucher aux problèmes de la destinée de l’homme et du monde. C’est ainsi que la religion, presque physique à l’origine, aboutit à une métaphysique.


II. — Le livre qu’on va lire se relie étroitement aux deux autres que nous avons publiés sur l’esthétique et sur la morale. Pour nous, le sentiment esthétique se confond avec la vie arrivée à la conscience d’elle-même, de son intensité et de son harmonie intérieure : le beau, avons-nous dit, peut se définir une perception ou une action qui stimule la vie sous ses trois formes à la fois (sensibilité, intelligence, volonté), et qui produit le plaisir par la conscience immédiate de cette stimulation générale. D’autre part, le sentiment moral se confond, pour nous, avec la vie la plus intensive et la plus extensive possible, arrivée à la conscience de sa fécondité pratique. La principale forme de cette fécondité est l’action pour autrui et la sociabilité avec les autres hommes. Enfin, le sentiment religieux se