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la religion et la fécondité des races.

la prévoyance après le mariage est une diminution constante de la population, plus vigoureuse pourtant et où, les naissances de jumeaux étant plus fréquentes, la fécondité normale devrait être plus grande[1].

La faiblesse de la natalité française viendrait-elle du nombre inférieur des mariages ? Nullement. Ce chiffre est sensiblement le même en France qu’en Allemagne : huit environ par an sur 1000 habitants. On se marie donc en France à peu près autant qu’ailleurs. Il ne faut point ici accuser la légèreté des mœurs, mais la volonté bien arrêtée d’époux généralement rangés et honnêtes. Les naissances illégitimes sont moins nombreuses en France qu’en Italie, en Allemagne et surtout dans l’Allemagne catholique. À Paris on compte un peu plus de 25 pour 100 de naissances illégitimes ; à Osmultz en Moravie, on en compte 70 pour 100. M. Bertillon a établi ce fait que, depuis le commencement de ce siècle, la nuptialité s’est maintenue stationnaire et a même plutôt augmenté que diminué jusqu’en 1865 ; mais la natalité a diminué d’une façon continue et régulière. D’après les statistiques, chaque mariage produit en moyenne cinq enfants en Allemagne, cinq en Angleterre, à quelques fractions près, et trois seulement en France.

Quelques savants se sont demandé si l’infécondité relative des Français ne tenait pas simplement à un développement plus grand du cerveau. Nous avons déjà signalé l’antagonisme qui existe, dans les espèces animales, entre la fécondité et le développement du système nerveux ou cérébral. Mais il y a quelque précipitation à appliquer à un groupe d’hommes ce qui est vrai des espèces ; il y a aussi quelque vanité à imaginer que le cerveau du peuple français soit développé au point de produire, dans certaines provinces, non seulement une diminution de la fécondité, mais une dépopulation. On a fait, il est vrai, une statistique curieuse sur les membres de l’Institut, pour montrer qu’en moyenne ils n’ont pas plus d’un ou deux enfants ; cette statistique prouve simplement que les membres de l’Institut n’en ont pas désiré davantage, et que leur conduite, étant généralement peu influencée par les idées religieuses, s’est conformée à leurs désirs. Quant à croire qu’un homme en bonne santé, qui pourrait engendrer à la rigueur une centaine d’enfants par an, voie ses

  1. Voir M. Baudrillart, les Populations rurales de la Bretagne.