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la religion et la fécondité des races.

pour qui l’avenir trop lointain de leur race ou de leur pays est parfaitement indifférent et qui ne voient que le « confortable » actuel. Une autre alternative plus radicale, c’est de se convertir : on peut déclarer que les religions catholique ou protestante, par exemple, malgré l’étrangeté de leurs légendes, sont utiles pour faire un peuple fort et nombreux, pour avoir des familles prolifiques, que les Français, plus qu’aucun autre peuple, ont besoin de la religion, et qu’au lieu de chercher à la ruiner il faut s’efforcer de la répandre. Ce parti-pris de faire revivre, en vue de l’utilité sociale, des croyances mortes déjà dans votre propre cœur, n’est pas sans quelque hypocrisie et quelque lâcheté. De plus, on affirme par là que l’erreur est à tout jamais ce qu’il y a de plus utile et que la vérité est inconciliable avec la vie des peuples, — affirmation bien précipitée. Enfin on poursuit une tâche parfaitement vaine, parce qu’on ne peut arrêter longtemps ni l’humanité, ni un peuple,. ni même une famille sur la pente de l’incrédulité. S’il est des choses qu’on peut regretter d’avoir apprises, il est trop tard pour se remettre à les ignorer. Le peuple français surtout possède un fond d’incrédulité qui tient au caractère pratique et logique de son tempérament : il s’est soulevé en 1789 contre le clergé pour avoir la liberté ; aujourd’hui,. pour avoir l’aisance, il luttera avec le même entêtement contre les prescriptions de la religion, contre les instincts. mêmes de la nature, et se maintiendra infécond pour devenir riche sans excès de travail. Le retour à la religion est donc un remède hors de portée ; même parmi les hommes sincèrement religieux, les plus intelligents le comprennent. C’est un beau thème à déclamation que cette infécondité raisonnée, produite par le triomphe même de la raison sur les dogmes et les instincts naturels, mais de telles déclamations sont entièrement stériles. Elles ne datent pas d’hier ; elles se sont produites dès avant la Révolution, et elles n’ont réussi ni à augmenter la religiosité, ni à diminuer l’infécondité de la France. Dans son pamphlet sur les erreurs de Voltaire, l’abbé Nonotte écrivait déjà en 1766 : — « On travaille à la population avec une économie qui est aussi funeste aux mœurs qu’à l’État. On se contente d’un héritier. On a plus de goût pour une volupté libertine. On voit un grand nombre des premières maisons de Paris n’être appuyée que sur la tête d’un seul enfant. Les familles se soutenaient mieux autrefois, parce qu’on était assez sage pour ne pas craindre d’avoir un grand nombre d’en-