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introduction.

tant suffi d’une portion relativement très petite de ces rayons errants dans l’espace pour façonner la terre et l’homme.

Je rencontre souvent près de chez moi un missionnaire à la barbe noire, à l’œil dur et aigu, traversé parfois d’un éclair mystique. Il semble entretenir une correspondance avec les quatre coins du monde ; il travaille assurément beaucoup, et il travaille à édifier précisément ce que je cherche à détruire. Nos efforts en sens contraire se nuisent-ils ? Pourquoi ? Pourquoi ne serions-nous pas frères et tous deux très humbles collaborateurs dans l’œuvre humaine ? Convertir aux dogmes chrétiens les peuples primitifs, délivrer de la foi positive et dogmatique ceux qui sont arrivés à un plus haut état de civilisation, ce sont là deux tâches qui se complètent, loin de s’exclure. Missionnaires et libres-penseurs cultivent des plantes diverses dans des terrains divers ; mais au fond, les uns et les autres ne font que travailler à la fécondité incessante de la vie. On dit que Jean Huss, sur le bûcher de Constance, eut un sourire de joie suprême en apercevant dans la foule un paysan qui, pour allumer le bûcher, apportait la paille du toit de sa chaumière : sancta simplicitas ! Le martyr venait de reconnaître en cet homme un frère en sincérité ; il avait le bonheur de se sentir en présence d’une conviction vraiment désintéressée. Nous ne sommes plus au temps des Jean Huss, des Bruno, des Servet, des saint Justin ou des Socrate ; c’est une raison de plus pour nous montrer tolérants et sympathiques, même envers ce que nous regardons