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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

alors être une répétition, un passé. Wigan, dans son livre sur la « Dualité de l’esprit», rapporte que, « pendant qu’il assistait au service funèbre de la princesse Charlotte, dans la chapelle de Windsor, il eut tout d’un coup le sentiment d’avoir été autrefois témoin du même spectacle » ? Lewes rapproche ce phénomène de quelques autres plus fréquents. En pays étranger, le détour brusque d’un sentier ou d’une rivière peut nous mettre en face de quelque paysage qu’il nous semble avoir autrefois contemplé. « Introduit pour la première fois auprès d’une personne, on sent qu’on l’a déjà vue. En lisant dans un livre des pensées nouvelles, on sent qu’elles ont été présentes à l’esprit antérieurement[1]. »

Selon M. Ribot, cette illusion s’explique assez facilement. L’impression reçue évoque dans notre passé des impressions analogues, vagues, confuses, à peine entrevues, mais qui suffisent à faire croire que l’état nouveau en est la répétition. Il y a un fond de ressemblance rapidement senti entre deux états de conscience, qui pousse à les identifier. C’est une erreur ; mais elle n’est que partielle, parce qu’il y a en effet dans notre passé quel-

  1. Lewes, Problems of life and mind, 3e série, 129.