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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

blait l’avoir déjà fait et dans les mêmes conditions. Ce sentiment se produisait parfois le jour même, au bout de quelques minutes ou de quelques heures, parfois le jour suivant, mais avec une parfaite clarté. La difficulté, dit M. Ribot, est de savoir pourquoi cette image qui naît une minute, une heure, un jour après l’état réel, donne à celui-ci le caractère d’une répétition. Il y a bien, en effet, une inversion du temps. M. Ribot propose l’explication suivante : l’image ainsi formée est très intense, de nature hallucinatoire ; elle s’impose comme une réalité, parce que rien ne rectifie cette illusion. Par suite, l’impression réelle se trouve rejetée au second plan, avec le caractère effacé des souvenirs ; elle est localisée dans le passé, à tort, si l’on considère les faits objectivement ; avec raison, si on les considère subjectivement. Cet état hallucinatoire, en effet, quoique très vif, n’efface pas l’impression réelle ; mais comme il s’en détache, comme il a été produit par elle après coup, il doit apparaître comme une seconde expérience. Il prend la place de l’impression réelle, il paraît le plus récent, et il l’est en fait. Pour nous qui jugeons du dehors et d’après ce qui s’est passé extérieurement, il est faux que l’impression ait été reçue