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DEUXIÈME APPENDICE


II

L’AVENIR

Un matin, je partis, seul, pour gravir un mont,
La nuit voilait encor la montagne sereine,
Mais on sentait venir le jour ; pour prendre haleine,
Je retournai la tête ; un gouffre si profond
Se creusa sous mes pieds, dans l’ombre plus limpide,
Qu’une angoisse me prit, et, dompté par l’effroi,
Sentant battre mon cœur au vertige du vide,
Je restais à sonder le gouffre ouvert sous moi.
Enfin, avec effort, je relevai la tête.
Partout le roc à pic pendait comme un mur noir ;
Mais là-haut, tout là-haut, lointain comme l’espoir,
Je vis dans le ciel pur monter le libre faîte.
Il semblait tressaillir au soleil matinal ;
Portant à son côté son glacier de cristal,
Il se dressait rougi d’une aurore sublime.
Alors j’oubliai tout, l’âpre roc à gravir,