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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

Le plus étrange, c’est que ceux mêmes qui objectent que l’expérience interne fournit seulement des représentations statiques et immobiles, en divers instants dont chacun est toujours présent, sont aussi ceux qui, pour expliquer la conscience du temps, invoquent la chose statique et immuable par excellence : le cadre a priori du temps, ou même, comme M. Ravaisson, l’idée de l’éternité. Mais c’est alors que nous serions à jamais fixés, figés, glacés dans un présent sans passé et sans avenir. Nous aurions, du côté empirique, une ou plusieurs représentations toujours présentes et en repos, du côté rationnel, une idée pure, immobile, éternelle, un punctum stans. Comment fabriquer avec tous ces éléments stables la succession et la représentation de la succession ? Il faudra toujours en venir, — avec les partisans de l’expérience tels que Guyau, — à chercher dans notre expérience même un moyen de saisir sur le fait et de concevoir la succession ; et ce moyen est tout autre que la contemplation immobile de l’immobile éternité.

Alfred Fouillée.