Page:Guyau - La Genèse de l’idée de temps.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
PÉRIODE DE CONFUSION PRIMITIVE

termes, ne distinguant et ne percevant rien très nettement, ils rêvent à propos de tout. L’enfant retient et reproduit des images beaucoup plus qu’il n’invente et ne pense ; et c’est précisément à cause de cela qu’il n’a pas l’idée nette du temps : l’imagination reproductive, étant seule, ne se distingue pas, ne s’oppose pas à l’imagination constructive, qui n’est pourtant elle-même que son développement supérieur. L’enfant ou l’animal n’ont donc pas un passé nettement opposé au présent, opposé à l’avenir qu’on imagine, qu’on construit à sa guise. L’enfant confond sans cesse ce qu’il a fait réellement, ce qu’il aurait voulu faire, ce qu’il a vu faire devant lui, ce qu’il a dit avoir fait, ce qu’on lui a dit qu’il avait fait[1]. Le passé n’est pour lui que l’image dominante dans le fouillis de toutes les images enchevêtrées ; il n’a en lui qu’une masse indistincte, sans groupement, sans classification : ainsi apparaissent les objets pendant le crépuscule ou la première aube, avant que les rayons du soleil n’y aient apporté à la fois l’ordre et la lumière, distribué tout sur divers plans. Nous verrons plus loin les degrés successifs de ce travail distributeur.

  1. Voir sur ce sujet Éducation et hérédité.