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FOND ACTIF DE LA NOTION DE TEMPS

accroissement possible, elles se divisent en deux par scissiparité ; il y a quelque chose d’analogue dans la génération du temps.

Comment se fait cette division des moments du temps dans la conscience primitive ? — Selon nous, elle a lieu par la division même du pâtir et de l’agir. Quand nous éprouvons une douleur et réagissons pour l’écarter, nous commençons à couper le temps en deux, en présent et en futur. Cette réaction à l’égard des plaisirs et des peines, quand elle devient consciente, est l’intention ; et, selon nous, c’est l’intention, spontanée ou réfléchie, qui engendre à la fois les notions de l’espace et du temps. En ce qui concerne l’espace, on a reproché aux Anglais d’avoir fait une pétition de principe en prétendant en expliquer l’idée par une simple série d’efforts musculaires et de sensations musculaires, dont nous apprécions l’intensité, la vitesse et la direction ; postuler la « direction », en effet, n’est-ce pas déjà présupposer et postuler l’espace même qu’il s’agissait d’engendrer dans notre esprit ? Mais, si le mot de direction est effectivement assez malheureux, on peut y substituer celui d’intention. L’intention ne présuppose pas l’idée de l’espace ; elle ne suppose que des images de sensations agréables ou pénibles, avec des