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CHAPITRE II


LE PLAISIR FONDAMENTAL : CELUI DU VENTRE


Origine de tout plaisir : la chair. Valeur comparée des diverses espèces de plaisirs : qu’Epicure la mesure à leur nécessité. Opposition d’Epicure avec Socrate, qui mesurait la valeur des choses à leur généralité. — Quel est le plaisir fondamental. — Le ventre, racine de tout bien selon Epicure, et objet de la philosophie selon Métrodore. Vrai sens de ces expressions, mal comprises d’ordinaire. Analogie des conceptions naturalistes contemporaines avec ce principe d’Epicure.


Après avoir considéré les rapports du plaisir, fin de l’homme, avec la vertu, avec la science et la prudence, simples moyens pour y atteindre, analysons l’idée même de plaisir. Quel est, d’après Epicure, le contenu de cette idée ? Y a-t-il plusieurs sortes de plaisirs ; peut-on en distinguer d’honnêtes et de honteux, de beaux et de laids ?

Epicure, n’admettant rien au-dessus du plaisir, ne pouvait admettre sans contradiction une règle quelconque qui imposât au plaisir un caractère de beauté ou de laideur, de bassesse ou d’élévation ; toute jouissance est donc bonne, pourvu que ce soit une jouissance.

Demande-t-on ce qu’il faut entendre au juste par ces termes de plaisir, de jouissance, de volupté, Epicure, nous le savons, n’hésite point à le dire : c’est proprement le plaisir sensible, le plaisir de la chair (ἡδονὴ τῆς σαρκός). Il n’en connaît point d’autre ; c’est même lui qui, le premier des philosophes grecs, a prononcé ce mot expressif[1].

Voici l’énumération de ces plaisirs, sans lesquels Epicure « ne peut se faire aucune idée du bien » : ce sont

  1. Voir M. Ravaisson, Ess. s. l. Mét. d’Arist, 11,94, note et M. Zeller, Die philos. der Griechen.