Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/44

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Tout le pays semblait avoir été dévasté, comme si une trombe puissante était passée là, peu de jours auparavant : les arbres étaient coupés ou arrachés, les maisons noircies par le feu n’avaient plus de toits : partout des ruines ! Je ne savais pas alors que j’étais arrivé sur les limites du champ de bataille de Borny.

À la barrière, je m’arrêtai pour demander à la femme du garde, qui était sur la porte de sa maisonnette, si je pouvais sans danger continuer à suivre la route vers la citadelle.

« Je ne sais pas, me répondit-elle, avec un fort accent allemand. Il y a deux uhlans à cheval, derrière la maison : vous avez dû les voir. Je vais leur demander si l’on peut passer.

— Non, non, m’écriai-je, s’il faut avoir affaire aux Prussiens, je préfère aller plus loin. »

Mais il n’était plus temps : les soldats que je n’avais pas vus, étaient déjà près de nous. Je les vois encore avec leurs grandes lances et leurs longs chevaux maigres. Ils demandaient déjà à la femme ce que voulait cet étranger avec son sac rouge sur l’épaule.

« Ce jeune homme me demandait si on pouvait aller à Metz, leur dit en allemand la femme du garde.

— Non, répondit un des uhlans.

— Alors je vais retourner, dis-je, et je me préparais à m’éloigner de cette barrière, où je ne me sentais pas en sûreté.

— Non, cria le même soldat, nous sommes ici de garde pour arrêter les étrangers qui se hasardent près des postes avancés. Il faut que vous nous suiviez jusqu’au premier poste. »

Je crus alors pouvoir me tirer d’affaire, en montrant mon sauf-conduit, mais les uhlans, après avoir bien lu et relu, ne voulurent pas entendre raison.

« C’est une simple formalité, répondirent-ils. Mais je vis bien qu’ils riaient en dessous : ils croyaient