Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/47

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« Ce sauf-conduit m’étonne, dit-il, car votre pays n’étant pas encore occupé, vous pourriez être libre de rejoindre l’armée française.

— On le croyait occupé, à Nancy.

— Nous verrons : je vais écrire quelques mots au commandant du second poste, en haut de Jury : il décidera. Je ne puis rien faire par moi-même. » Il traça deux ou trois lignes sur une carte et ordonna à un uhlan de me conduire au second poste avancé.

Il me fallut traverser un long espace de champs détrempés par la pluie : le chemin était pénible, car nous montions une colline assez raide.

J’enfonçais à tout instant dans la terre, et mes souliers étaient devenus lourds comme d’énormes sabots.

Le uhlan prit mon sac devant lui, sur son cheval, et je pus marcher plus facilement.

Nous arrivâmes bientôt dans un bosquet, où se trouvait une troupe assez nombreuse de Prussiens. C’étaient des dragons : je les reconnus à leur tunique bleu de ciel et à leurs grands sabres, sur lesquels ils s’appuyaient.

Sous une espèce de longue tonnelle, près d’un chalet en bois, quelques officiers mangeaient et buvaient, assis devant une table garnie de jambon[1]. Le soldat leur remit le billet, qu’ils lurent sans me regarder. L’un d’eux y ajouta plusieurs mots, et le uhlan s’en retourna.

Un dragon prit sa place et me fit signe de le suivre.

Nous continuâmes à monter : je me rappellerai toujours qu’en arrivant en haut de la côte, la ville de Metz m’apparut tout à coup, bien plus rapprochée et plus visible que sur la route de Verny.

J’en étais à peine à deux lieues.

Je voyais briller les toits d’ardoise aux rayons du

  1. C’était au château de Mercy. Il fut incendié le même jour que Peltre.