Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/51

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J’allais donc être obligé de retourner à Nancy, sans espoir d’en pouvoir sortir ! Et cela avec une escorte de Prussiens, comme un malfaiteur ! Cette pensée n’était pas cependant la plus cruelle : ce qui me faisait le plus souffrir, c’était de me voir forcé de rester inutile, dans un pays occupé, tandis que j’aurais été si heureux de combattre ces Allemands.

Je marchais ainsi près des deux uhlans, cherchant en vain un moyen d’échapper au sort qui me menaçait, mais je n’en trouvais aucun.

Déjà le village était devant nous. Sur la route, allaient par longues files des troupes allemandes de toutes sortes. Je vis tour à tour passer près de nous, un régiment de cuirassiers blancs, des dragons, de l’artillerie.

Tous se dirigeaient vers Metz.

Il était six ou sept heures, quand nous atteignîmes Courcelles. Ce pauvre village était à demi ruiné : la gare, l’église, beaucoup de maisons, ne conservaient plus que quelques pans de murs noircis. La rue qui longeait la grande route, était pleine de troupes, de voitures, de canons.

Jamais je n’avais vu un pareil brouhaha ! Sur le chemin de fer, un train arrivait chargé de soldats, et je ne vis pas sans surprise de nombreux prisonniers français[1], qui attendaient, sur la voie, qu’un train les emmenât sans doute en Prusse.

Je pensais que je pourrais profiter de ce désordre tumultueux, pour m’échapper, car, à tout moment, je me trouvais séparé de mes gardiens, qui pourtant me surveillaient de près.

Enfin nous arrivâmes devant une maison où était écrit, en grosses lettres, ce mot : Commandatur.

Un des uhlans descendit de cheval et entra dans la maison, pendant que l’autre soldat et moi, nous restions devant la porte.

  1. Ils appartenaient en grande partie à la garde impériale.