Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/58

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J’avançais donc plein de confiance à travers le frais brouillard du matin. À gauche, j’entendais les trompettes prussiennes, qui sonnaient le réveil dans les camps.

Mais je ne m’en inquiétais pas : j’étais si près du but ! Chaque pas que je faisais me rapprochait des miens et de la liberté, puisque les Allemands eux-mêmes avaient dit que Daspich n’était pas encore occupé.

Je dépassai plusieurs villages, laissant quelquefois la grande route pour suivre les sentiers de traverse, quand je voyais des Prussiens au loin, mais ne me détournant jamais de mon point fixe, qui était le gros clocher de Sainte-Barbe.

Partout je voyais les traces du grand combat qui s’était livré sur ce plateau, quelques jours auparavant. Après deux ou trois heures de marche, pendant lesquelles je ne vis de soldats prussiens qu’à une longue distance, je dépassai la route de Sarrelouis et j’arrivai à l’entrée de Sainte-Barbe.

Les environs étaient couverts de troupes, qui surveillaient la route. Près du village, un parc d’artillerie, des canons à perte de vue ! Dans la rue des soldats allaient et venaient en foule.

Deux sentinelles, avec leurs longs fusils sur l’épaule, se promenaient de chaque côté de la route, devant la première maison.

Je ralentis un peu le pas, me demandant si je ne ferais pas mieux de prendre un chemin détourné, pour éviter le camp prussien. Mais à gauche, la route allait vers Metz et le danger était bien plus grand ; à droite, je ne voyais que forêts et ravins impraticables : dans le fond, des côtes élevées et coupées à pic.

Je compris alors pourquoi les Prussiens gardaient si bien Sainte-Barbe : c’était le seul passage entre la vallée de la Nied et celle de la Moselle, au-dessus de Metz. En effet, je vis bientôt se dérouler à mes yeux