Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’avançant d’un bond vers le père Frank, une bonne nouvelle ? »

Elle était devenue pâle, et sa main, appuyée sur le bras du meunier, tremblait.

« Là, là… Soyez calme ! C’est de Christian…

— Oh ! parlez, parlez, je vous en prie.

— Il se porte bien d’abord, et il ne sera pas longtemps sans pouvoir revenir.

— Comment savez-vous cela ? dit ma mère fiévreusement.

— Vous êtes trop agitée, je ne dirai plus rien. Et s’il arrivait demain, ce soir… quelle joie, n’est-ce pas ? Eh bien, il arrive, on l’a vu…

— Oui, me voici, » m’écriai-je ne pouvant plus résister à mon impatience, et me jetant au cou de la pauvre femme, qui tombait sur le banc, étourdie par la joie !

Le père Frank avait couru au moulin et quelques minutes après, Wilhelmine était avec nous, pleurant, riant, allant de ma mère à moi, et ne sachant plus où donner de la tête.

Cependant l’espérance, la volonté d’arriver au but, m’avaient seules soutenu jusque-là et m’avaient fait oublier la fatigue et la douleur causée par ma blessure.

Une fois les grandes émotions passées, je me sentis très affaibli. La pâleur de mon visage avait trahi ma souffrance, il fallut me coucher.

Ma mère et Wilhelmine restèrent longtemps à causer près de mon lit, maudissant les Prussiens ; et la vieille Magdeleine jurait d’éventrer le premier qui oserait franchir le seuil de la maison.


XIV

Le lendemain, grâce à de tendres soins et à une longue nuit de repos, je me trouvais bien mieux. Ma