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Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/121

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qui ne réussit pas ou qui ne réussit qu’à moitié, vous raillez tous les martyrs, vous découragez tous les enthousiastes, vous émettez une infâme doctrine, vous formulez une infâme théorie, la théorie du succès.

A ces accusations, je réponds hautement : oui, je formule la théorie du succès : réfutez-la si vous le pouvez : la société ne doit de reconnaissance morale ou de reconnaissance matérielle qu’à celui qui la fait profiter directement d’une œuvre quelconque. Elle ne doit absolument rien à l’écrivain qui garde ses ouvrages dans son cabinet, à l’inventeur qui conserve précieusement ses projets dans ses cartons ; ils ne sont ses créanciers que ceux-là qui lui apportent une certaine somme ; ceux qui ne lui fournissent rien, ne peuvent rien exiger d’elle : cela est de bonne économie ; vous ne pouvez rien répondre à cela.

Mais vous m’arrêtez et vous dites : Il est vrai que directement les hommes chez lesquels a germé la première idée n’ont rien apporté à la société ; mais indirectement, n’est ce pas eux qui ont tout fait ? Si Papin n’avait pas inventé sa marmite, aurions-nous maintenant nos steamboats et nos locomotives ?… etc. Et parce que Papin aura été malheureux, parce qu’il n’aura pu exécuter son œuvre, parce que cette œuvre même, en admettant qu’il pût l’exécuter, n’eût été dans ce moment que de peu d’utilité à la société, faudrat-il donc ne lui accorder qu’un peu de gloire et ne lui donner qu’un petit bénéfice ? Si vous adoptez cette doctrine, vous placerez alors le perfectionneur au-dessus de l’inventeur : Watt sera supérieur à Papin !

Vous le voyez, je ne recule devant aucun argument ; je mets en avant ceux qui paraissent devoir être les plus forts ; je ne dissimule rien, je ne recule devant aucun d’eux.

Eh bien ! oui, il faut en arriver à cette conclusion : oui, l’inventeur tant qu’il n’a pu rendre son œuvre pratique ne peut rien demander à la société en retour de ses efforts : oui, il faut l’avouer, quelque triste que ce soit, la société ne