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MARIA CHAPDELAINE

rieurs et pourtant elle se sentait gênée de trouver si peu de chose à dire et ne répondait qu’avec une sorte de honte.

Les autres causaient entre eux ou regardaient les joueurs. La mère Chapdelaine répétait les veillées innombrables qu’elle avait connues à Saint-Gédéon, du temps qu’elle était fille, et elle regardait l’un après l’autre avec un plaisir évident les trois jeunes hommes étrangers réunis sous son toit. Mais Maria s’asseyait à la table, maniait les cartes, puis retournait à quelque siège vide, près de la porte ouverte sans presque jamais regarder autour d’elle. Lorenzo Surprenant était constamment à côté d’elle et lui parlait ; elle sentait aussi les regards d’Eutrope Gagnon passer souvent sur elle avec leur expression coutumière de guet patient ; et de l’autre côté de la porte elle savait que François Paradis se tenait penché en avant, les coudes sur ses genoux, muet avec son beau visage rougi par le soleil et ses yeux intrépides.

— Maria n’a pas une bien belle façon à soir, dit la mère Chapdelaine comme pour l’excuser. Elle n’est guère accoutumée aux veilleux, voyez-vous…

Si elle avait su !…

À quatre cents milles de là, en haut des rivières, ceux des « sauvages » qui avaient fui les missionnaires et les marchands étaient accrou-