Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/178

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trer en religion ? Non. Alors tu vas abandonner de te tourmenter de même, parce que c’est un tourment profane et peu convenable, vu que ce garçon ne t’était rien. Et le bon Dieu sait ce qui est bon pour nous ; il ne faut pas se révolter ni se plaindre…

Dans tout cela, une phrase avait trouvé Maria quelque peu incrédule : l’assurance du prêtre que François Paradis, là où il se trouvait, se souciait uniquement des messes dites pour le repos de son âme, et non du regret tendre et poignant qu’il avait laissé derrière lui. Cela, elle ne pouvait arriver à le croire. Incapable de le concevoir réellement dans la mort autre qu’il avait été dans la vie, elle songeait au contraire qu’il devait être heureux et reconnaissant de ce grand regret qui prolongeait un peu, par-delà la mort l’amour devenu inutile. Enfin, puisque le prêtre l’avait dit…

Le chemin louvoyait entre les arbres sombres fichés dans la neige ; des écureuils, effrayés par le passage rapide du traîneau et le bruit des grelots tintant, gagnaient en quelques bonds le tronc des épinettes et grimpaient en s’agriffant à l’écorce. Un froid vif descendait du ciel gris sur la terre blanche et le vent brûlait la peau, car c’était février, ce qui au pays de Québec veut dire deux pleins mois d’hiver encore.

Tandis que le cheval Charles-Eugène trottait