Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/182

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taient de leur bouche sonnaient comme des mots d’une langue étrangère. Ils n’avaient pas la lenteur de diction canadienne, ni cet accent indéfinissable qui n’est pas l’accent d’une quelconque province française, mais seulement un accent paysan, en quoi les parlers différents des émigrants d’autrefois se sont confondus. Ils employaient des expressions et des tournures de phrases que l’on n’entend point au pays de Québec, même dans les villes, et qui aux hommes simples assemblés là paraissaient recherchées et pleines de raffinement.

— Dans votre pays avant de venir icitte, étiez-vous cultivateur aussi ?

— Non.

— Quel métier donc que vous faisiez ?

Le Français hésita un instant avant de répondre, se rendant compte peut-être que ce qu’il allait dire serait étrange et difficile à comprendre.

— Moi, j’étais accordeur, dit-il enfin, accordeur de pianos ; et mes deux fils que voilà étaient employés, Edmond dans un bureau et Pierre dans un magasin.

Employés — commis — cela c’était clair pour tout le monde ; mais la profession du père restait un peu obscure dans les esprits de ceux qui l’écoutaient.

Éphrem Surprenant répéta : « Accordeur de pianos ; c’était ça, c’était bien ça ! » Et il re-