Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/193

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blasphémé ou mal parlé des prêtres. Et après cela, comme personne ne consentait à chanter, l’on joua aux cartes ; la conversation descendit à des sujets moins émouvants, et le seul souvenir que Maria emporta avec elle de ce qui fut dit alors, quand le traîneau la ramena avec ses parents vers leur maison, à travers les bois enténébrés, fut celui de Lorenzo Surprenant parlant des États-Unis et de la vie magnifique des grandes cités, de la vie plaisante, sûre, et des belles rues droites, inondées de lumière le soir, pareilles à de merveilleux spectacles sans fin.

Avant le départ Lorenzo lui avait dit à demi-voix, presque en confidence :

— C’est demain dimanche… J’irai vous voir après midi.

Quelques courtes heures de nuit, un matin de soleil sur la neige, et voici qu’il était de nouveau près d’elle, reprenant ses récits merveilleux comme un plaidoyer interrompu.

Car c’était pour elle surtout qu’il avait parlé la veille au soir ; elle le comprit clairement. Le grand mépris qu’il avait témoigné pour la vie des campagnes ; ses descriptions de l’existence glorieuse des villes, ce n’avait été que la préface d’une tentation dont il lui mettait maintenant sous les yeux les vingt aspects comme on feuillette un livre d’images.

— Oh ! Maria, vous ne pouvez pas vous ima-