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XVI
PRÉFACE

il suffit de connaître la nature canadienne et de connaître aussi nos paysans, nos bûcherons et l’existence qu’ils mènent.

Ainsi, comme œuvre canadienne, le roman de Louis Hémon, sauf erreur, me paraît le plus complet dans son cadre, le plus vrai, le plus pur, le plus simple et le plus coloré tout ensemble, le mieux écrit et le mieux composé, le mieux rythmé de forme et le plus cadencé de fond, et, pour mieux en parler, le plus littéraire que le Canada français ait encore inspiré — c’est véritablement la fleur des pois…

D’aucuns me trouveront un peu, et même beaucoup, sinon trop décisionnaire de trancher aussi nettement le mérite de Maria Chapdelaine. Je ne songe cependant qu’à suggérer au public canadien la curiosité d’en juger par soi-même et donc de réviser mon impression.


Louis Hémon avait composé d’autres œuvres qui lui firent cueillir quelques lauriers annonçant la venue d’un nouveau chef-d’œuvrier dans les Lettres françaises. Mais la couronne, à peine tressée de branches de myrte et de laurier, s’est achevée avec des immortelles, des fleurs funéraires ! Qu’à cette couronne, qui laurait déjà le front de cet artiste ravi si prématurément à la gloire de son pays, la littérature canadienne-française, reconnaissante à Louis Hémon d’une œuvre si franchement canadienne et si bellement française, ajoute quelques feuilles d’érable. Elles commémoreront son passage à l’orée de nos forêts dont la voix l’a ému. Pour tous ceux qui comprennent le Canada et l’aiment comme il l’a compris et aimé, nos chères feuilles d’érable sont des étoiles de verdure, de paix et d’espérance qui guident nos vivants et veillent aussi nos morts.


Louvigny de MONTIGNY,
de la Société royale du Canada,


Ottawa, 17 juin 1916.