Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/231

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ça. On va le quérir, on lui paye son temps, et il vous guérit. C’est lui qui a remmanché le petit Roméo Boily, après qu’il avait été écrasé par une waguine chargée de planches.

La malade était retombée dans une sorte de torpeur et gémissait faiblement, les yeux fermés.

— J’irai bien le quérir si vous voulez, proposa Eutrope.

— Mais avec quel cheval donc ? fit Maria. Le médecin a emmené Charles-Eugène à Honfleur.

Le père Chapdelaine eut un geste de rage et jura entre ses dents :

— Le vieux maudit !…

Eutrope réfléchit quelques secondes et se décida.

— Ça ne fait rien : j’irai pareil. Je marcherai jusqu’à Honfleur et là je trouverai bien quelqu’un qui me prêtera un cheval et une carriole ; Racicot, ou bien le père Néron.

— C’est trente-cinq milles d’icitte à Saint-Félicien, et les chemins sont méchants.

— J’irai pareil.

Il partit de suite et courut sur la neige, songeant au regard reconnaissant de Maria. Les autres se préparèrent pour la nuit, agitant dans leur esprit un nouveau calcul de distance… Soixante et dix milles aller et retour… Et les mauvais chemins… La lampe resta allumée, et jusqu’au matin la malade se lamenta dans le