Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/233

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la main. Au moment de monter dans la carriole, le curé de Saint-Henri la prit à part et lui dit quelques mots à son tour.

— Les médecins font ce qu’ils peuvent, dit-il avec simplicité, mais il n’y a que le Bon Dieu qui connaît les maladies. Priez bien fort, et je dirai la messe pour elle demain ; oui, une grand’messe avec chant, c’est entendu.

Toute la journée Maria s’efforça de combattre avec des prières la marche incompréhensible du mal, et chaque fois qu’elle s’approchait du lit c’était avec l’espoir confus qu’un miracle s’était produit et que la malade allait présentement cesser de gémir, s’assoupir quelques heures et se réveiller guérie. Il n’en fut rien : les plaintes continuaient et vers le soir elles se muèrent en une sorte de soupir profond, répété sans cesse, qui semblait protester contre un fardeau, ou bien contre l’envahissement lent d’un poison meurtrier.

Au milieu de la nuit, Eutrope Gagnon arriva, ramenant Tit’Sèbe le remmancheur.

C’était un petit homme maigre à figure triste, avec des yeux très doux. Comme toutes les fois qu’on l’appelait au chevet d’un malade il avait mis ses vêtements de cérémonie, de drap foncé, assez usés, qu’il portait avec la gaucherie des paysans endimanchés. Mais les fortes mains brunes, qui saillaient des manches, avaient des gestes qui imposaient la confiance.