Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/28

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voient guère qu’une fois la semaine à cause des grandes distances et des mauvais chemins.

— Le lac est encore bon, dit Cléophas Pesant, mais les rivières ne sont déjà plus sûres. La glace s’est fendue cette semaine à ras le banc de sable en face de l’île, là où il y a eu des trous chauds tout l’hiver.

D’autres commençaient à parler de la récolte probable, avant même que la terre se fût montrée.

— Je vous dis que l’année sera pauvre, fit un vieux, la terre avait gelé avant les premières neiges.

Puis les conversations se ralentirent et l’on se tourna vers la première marche du perron, d’où Napoléon Laliberté se préparait à crier, comme toutes les semaines, les nouvelles de la paroisse.

Il resta immobile et muet quelques instants, attendant le silence, les mains à fond dans les poches de son grand manteau de loup-cervier, plissant le front et fermant à demi ses yeux vifs sous la toque de fourrure profondément enfoncée ; et quand le silence fut venu, il se mit à crier les nouvelles de toutes ses forces, de la voix d’un charretier qui encourage ses chevaux dans une côte.

— Les travaux du quai vont recommencer… J’ai reçu de l’argent du gouvernement, et tous ceux qui veulent se faire engager n’ont qu’à