Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/44

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plus profondes que le profil d’une houle de mer haute.

Maria Chapdelaine ajusta sa pelisse autour d’elle, cacha ses mains sous la grande robe de carriole en chèvre grise, et ferma à demi les yeux. Il n’y avait rien à voir ici ; dans les villages les maisons et les granges neuves pouvaient s’élever d’une saison à l’autre, ou bien se vider et tomber en ruines ; mais la vie du bois était quelque chose de si lent qu’il eût fallu plus qu’une patience humaine pour attendre et noter un changement.

Le cheval resta le seul être pleinement conscient sur le chemin. Le traîneau glissait facilement sur la neige dure, frôlant les souches qui se dressaient des deux côtés au ras des ornières ; Charles-Eugène suivait exactement tous les détours, descendait au grand trot les courtes côtes et remontait la pente opposée d’un pas lent, en bête d’expérience tout à fait capable de mener ses maîtres au perron de leur maison sans être importunée de commandements ni de pesées des guides.

Quelques milles encore, et le bois s’ouvrit de nouveau pour laisser reparaître la rivière. Le chemin dévala la dernière butte du plateau pour descendre presque au niveau de la glace. Sur un mille de berge montante trois maisons s’espaçaient ; mais celles-là étaient bien plus primitives encore que les maisons du village,